Vayishlah’ 5777

Après les affrontements opposant Yaacov à Essav, nous assistons à leurs retrouvailles. Diplomatie, stratégie, prière, rien n’est laissé au hasard, pour tenter un rapprochement fraternel. Le moment de cette rencontre arrive donc, et voilà qu’Essav insiste pour que Yaacov reprenne ses ‘’cadeaux’’ dont lui n’a apparemment pas besoin. « Yesh li rav » (j’ai déjà beaucoup) dira-t-il. Exprimant par-là l’étendue de ses richesses. Il ne veut pas démunir son frère, prétendant que sa famille est nombreuse, ses besoins doivent donc l’être en conséquence.

On peut voir dans cette phrase significative, l’expression d’une volonté de réconciliation, d’oublier le passé. Le grand frère se souciant du cadet refuse de l’appauvrir en expliquant que ce sacrifice n’est pas nécessaire. Il se pourrait cependant, expliquent nos maîtres, qu’Essav ait voulu prouver à son frère qu’il avait fini par être le vainqueur dans leur conflit. En effet, faisant étalage de ses ressources matérielles, il va tenter de nous convaincre que les bénédictions de leur père se sont finalement réalisées sur lui ! La richesse, la puissance et le succès qu’il détient ne sont-elles pas les preuves irréfutables qu’il avait raison ? Avoir ‘’beaucoup’’ est souvent perçu comme le symbole de la réussite. Celle qui donne à l’homme ce sentiment d’invincibilité et surtout d’avoir raison. Elle pourrait parfois donner le sentiment que ‘’même D… est d’accord !’’. Que répondre à cela ?

Notre père Yaacov, ne va pas affronter Essav sur le terrain vers lequel il cherche à l’entraîner. Il lui répond « yesh li KOL » (j’ai TOUT). Cela veut-il dire ‘’j’ai plus que toi’’ ? Yaacov n’alimente pas la polémique en prétendant être meilleur sur le terrain d’Essav. D’ailleurs, est-ce que tout, représente plus que beaucoup ? Il ne s’agit pas de formuler une interrogation philosophique mais de positionner la personne face à ce qu’elle possède. Selon Yaacov, il est clair que le résultat de la Bérah’a n’a pas de rapport avec une quelconque quantité. Avoir beaucoup c’est bien, tout c’est autre chose. Le danger d’une quantité est sa variabilité et sa dépendance à une situation constamment mise à jour. Beaucoup maintenant, peut ne pas suffire demain. La quantité peut également créer une motivation négative d’atteindre le ‘’plus’’. Avoir TOUT, c’est éviter ces problématiques en les résolvant avant même leurs apparitions. Cela consiste finalement à percevoir la possession autrement. Si la quantité n’est pas l’équation à résoudre, il s’agit donc du lien à créer avec ce que l’on détient. Lorsqu’une personne ressent qu’elle a TOUT, elle entretient une relation parfaite avec ses biens. Ils représentent à ses yeux un complément indispensable qui lui permet d’être plutôt que d’avoir. Ajouter ou soustraire ne représente plus l’enjeu essentiel car ils sont remplacés par la volonté de définir la propriété. On n’attend pas qu’une Bérah’a se réalise, on SE réalise à travers elle. Essav cherche à avoir beaucoup, Yaacov veut que ce qu’il possède soit TOUT. La Bérah’a parfaite !

Shabbat shalom

Rav Yakov SITRUK

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